La cession des droits et le contrat de cession des droits sont sujets à beaucoup de questions. C’est un peu la bête noire des graphistes et de leur clients, car les uns ne savent pas vraiment comment l’appliquer, et les autres ne comprennent pas pourquoi on leur impose de payer des droits pour un logotype ou une maquette qu’ils ont commandé et payé.
Dans cet article, j’éclaircis cette part d’ombre de mon métier et te révèle tout ce qu’il y a à savoir concernant la cession des droits.

1. Petit rappel sur les droits de l’auteur…
Le code de la propriété intellectuelle prévoit que toute personne qui crée une œuvre originale (c’est à dire toute production, quelque soit le support, qui naît de son idée unique), acquiers immédiatement le statut d’auteur de cette œuvre et les droits qui vont avec. A savoir, les droits moraux et les droits d’exploitation.
> Les droits moraux :
Ce sont les droits relatifs au statut d’auteur, qui indiquent que cette production est l’œuvre exclusive de l’auteur. Il est la seule personne à pouvoir décider, autoriser et interdire tout ce qui la concerne. Les principaux droits de l’auteur sont :
- Le droit de divulgation : c’est lui qui décide s’il va révéler son œuvre de façon publique et s’il va en autoriser l’exploitation.
- Le droit au respect du nom : il a le droit de signer son œuvre et d’exiger à être cité. Personne ne peut se l’approprier ou oublier de le mentionner comme étant l’auteur si c’est sa volonté.
- Le droit au respect de l’œuvre : c’est l’interdiction pour l’utilisateur de porter atteinte à l’intégrité de la production de l’auteur contre sa volonté.
- Le droit de retrait : Il a le droit de décider à tout moment de retirer son œuvre de toute exploitation et diffusion.
Les droits moraux sont totalement incessibles, on ne peut les céder à personne peut importe ce que l’on a pu signer. Aucun contrat qui prévoit la cession des droits moraux ne peut être valable.
> Les droits d’exploitation :
Autrement appelés « droits patrimoniaux », ce sont les droits qui permettent de considérer l’œuvre comme un patrimoine duquel l’auteur peut tirer un profit :
- Le droit de représentation : c’est à dire le droit de diffuser l’œuvre au public
- Le droit de reproduction : c’est à dire le droit de reproduire l’œuvre sur un support quel qu’il soit afin de le diffuser
- Le droit d’adaptation : c’est le droit qui permet à l’utilisateur d’adapter l’œuvre au support sur lequel il va être diffusé.
Ce sont donc ces droits d’exploitations qui peuvent être cédés dans le cadre d’un contrat de cession des droits. La personne qui va exploiter l’œuvre deviendra un « ayant-droit », c’est à dire qu’elle sera la personne qui dispose du droit légal d’utiliser l’œuvre.
Ces droits durent pour toute la durée de la vie de l’auteur, puis 70 ans après sa mort, confiés aux héritiers successifs. Après cette période, l’œuvre fait alors partie du domaine public. Tout le monde pourra l’utiliser sans restriction, même si le droit moral de respect du nom de l’auteur reste valable.
Ton logotype a été crée par un(e) graphiste, il est né de sa seule idée, savoir-faire et production. Il en est donc bien l’auteur, et les règles ci-dessus s’y appliquent. Du coup, tu n’achètes jamais un logotype, tu achètes une prestation de création de logotype ! C’est aussi valable pour toutes les maquettes, comme les maquettes de cartes de visite, de flyers et autres supports d’impression ou supports digitaux.

2. Qu’est ce que la cession des droits d’auteur ?
On appelle cession des droits d’auteur le contrat qui vise à définir clairement quels sont les droits d’exploitations qui sont cédés à l’ayant-droit. C’est un contrat tout ce qu’il y a de plus officiel et qui doit être rédigé et signé en bonne et due forme.
Tout droit qui ne serait pas explicitement mentionné ne fait tout simplement pas partie des droits cédés par l’auteur. En tant que client, si tu souhaites avoir d’avantage de droits que ceux actuellement cédés dans le contrat, tu devras obligatoirement en informer l’auteur et définir avec lui un nouveau contrat de cession, moyennant une rémunération supplémentaire. Car oui, chaque utilisation se paie !
Globalement, si tu commandes la création d’un logotype et que tu paie une cession sur 10 ans pour la diffusion de celui-ci sur des t-shirts, et qu’au bout de 8 ans tu souhaites aussi le diffuser sur des casquettes, tu devras en informer ton graphiste, qui rédigera une nouvelle cession des droits et te demandera de payer un complément.
> Pourquoi la cession des droits est indispensable ?
La cession des droits protège l’auteur et son œuvre, que ce soit sur le plan moral ou financier. Elle assure qu’il soit rémunéré à la juste valeur que son travail à pour le client qui l’utilise. Même chose pour un graphiste et son logo ! Admettons que le créateur du logo de twitter, qui génère des millions de revenus n’aie été payé que 6 dollars. Tu trouverais ça juste ? C’est pourtant bien ce qui s’est passé ! S’il y avait eu une cession des droits, cela aurait permis à ce graphiste d’être rémunéré à la hauteur de la valeur qu’à son logo aujourd’hui.
Le contrat de cession des droits te protège aussi en tant que client ! Il permet dans un premier temps de te rassurer en posant un cadre légal de ce que tu peux faire ou ne pas faire. Il permet aussi de prouver que tu utilises ton logotype en étant dans ton bon droit ! Un graphiste qui déciderait subitement de ne plus diffuser son logo au public serait obligé de te reverser une contre-partie financière, puisque tu as payé pour avoir ce droit.
> En cas de violation…
« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit est illicite, et punie selon les lois relatives au délit de contrefaçon. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. » (Art. L. 122-4 du CPI)
Pour faire plus simple, tout personne qui utilise une œuvre hors du cadre et des conditions du contrat défini avec l’auteur sans son approbation commet un délit de contrefaçon passible de fortes amendes, voire de prison selon le cas.
L’une ou l’autre des parties pourrait en référer à un tribunal pour faire valoir ses droits, sachant que la France est un des pays, sinon le pays, le plus protecteur en ce qui concerne la propriété intellectuelle.
3. Comment créer un contrat de cession des droits ?
Au vu de tout ce qu’il représente, la création d’un contrat de cession des droits est une étape importante qu’il faut prendre le temps de définir avec soin. Je ne peux que te recommander de bien lire tout ce qu’elle implique avant de signer, et surtout de ne pas hésiter à y inclure des utilisations que tu as prévu pour plus tard, même si tu ne peux pas encore les exécuter à l’heure actuelle.
> Quel support utiliser ?
La cession des droits peut être simplement indiquée dans les Conditions Générales de Vente (CGV) de la facture. C’est idéal dans le cas d’une cession très courte durée, pour un événement par exemple.
Sinon, dans la plupart des cas, quand il s’agit d’une cession sur plusieurs années, un contrat est rédigé en annexe du devis et de la facture. Je te recommande fortement de prendre connaissance des conditions de cession de ton graphiste avant de signer le devis pour t’assurer que tout te convient.
> Quels éléments doit-on retrouver dedans ?
Délimiter des utilisations strictement précises est obligatoire, des mentions telles que « tous droits cédés » ou « toutes utilisations » ou encore « cession illimitée dans le temps » ne valent rien juridiquement parlant et font du contrat un contrat caduque.
Tu dois donc pouvoir retrouver dans ton contrat de cession des droits :
- La nature des droits cédés : représentation (diffusion), reproduction, adaptation.
- Le domaine d’exploitation : est ce qu’il s’agit d’un logo, d’un site internet, d’un flyer… mais aussi sur quels types de supports l’oeuvre sera utilisée, en combien d’exemplaires, que quelle étendue géographique et pour combien de temps.
4. La cession des droits illimitée, mythe ou réalité ?
C’est un mythe. Mais…
Combien de fois ai-je entendu dire « je cède mes droits de façon illimitée » ou « tu fais une cession des droits limitée ? Mais telle graphiste fait une cession illimitée ! »… Comme dis plus haut, « illimité » n’a aucune valeur juridique, et rends le contrat nul d’un point de vue légal.
Je ne jette pas la pierre, c’est une erreur que j’ai moi-même commis lors de mes premiers contrats… A mes dépends !

> Une pratique floue qui dénature le métier de graphiste.
Certains ont trouvé comment contourner ça en laissant un flou juridique avec la mention « durée non déterminée à ce jour ». Je déplore cette pratique qui certes, va te convaincre de signer puisqu’il n’y aura pas de contrainte de temps, mais qui est injuste envers le ou la graphiste et qui dénature ce métier de créativité, dont la pérennité repose justement sur ces contrats.
> L’avantage d’une cession sur une durée définie
Oui, il y a pourtant un avantage non négligeable à définir une cession des droits sur une durée limitée :
Si tu as envie de changer / modifier ton logo, ce qui arrive souvent au bout des 5 premières années d’utilisation, et que tu as payé une cession des droits sur 10 ans, tu es totalement perdant(e), car les années d’inutilisées ne te seront en aucun cas remboursées. Si en revanche tu as payé une cession de 5 ans, tu auras payé plus justement ton utilisation de l’œuvre.

5. Combien coûte la cession des droits d’une œuvre ?
Il n’y a pas de tarif imposé en matière de cession des droits, chaque auteur est libre de céder ses droits au prix qui lui semble juste. Il n’est donc pas facile de donner un prix, le mieux étant encore de demander un ou plusieurs devis.
> Un tarif libre dans une certaine mesure, mais réglementé !
Même si chaque graphiste est libre d’appliquer le tarif qui lui convient, il est tout de même tenu de ne pas facturer la cession plus bas que ceux imposés par le barème du Journal Officiel du 2 Mai 1987, page 4874. En dessous de ces tarifs, le contrat de cession pourrait être déclaré comme nul par un juge.
> Plusieurs méthodes de calcul…
- Intégrer le prix au tarif du forfait ou au tarif journalier
- Appliquer un pourcentage au prix de la prestation de création.
- Suivre le barème du Journal Officiel en définissant une valeur de point et d’y appliquer des coefficients. Plus l’oeuvre est diffusée, exposée, plus le coefficient est élevé, et le prix également. C’est la méthode la plus fiable et la plus juste, tant pour l’auteur que pour le client.

Quelle que soit l’œuvre commandée, ton graphiste doit absolument définir une cession des droits qui va réglementer son utilisation. Sans cession des droits, tu es vulnérable si ton graphiste décide tout à coup de t’interdire son utilisation. En cas de violation volontaire ou non du contrat, tu t’exposes à des poursuites pour délit de contrefaçon. Il faut donc y apporter un soin et une attention toute particulière, et avoir réfléchi en amont toutes les utilisations précises que tu vas en faire afin qu’elles soient toutes mentionnées sur le contrat.

Graphiste freelance depuis 2014, je mets mon savoir faire et ma créativité au service de tes projets d’entrepreneur passionné ! Je crée pour ton entreprise une image de marque alignée avec tes valeurs, et réponds à tous tes besoins en communication visuelle.
Bonjour,
Merci pour cette article.
Comment faire si lors d’une prestation on n’a pas indiqué de cession de droits et que quelques semaines plus tard le client vous envoi une demande de cession des droits en disant qu’ils ont déjà été versé car compris dans le devis.
(Or il n’ont été mentionné nulle part)
Bonjour Kubi 🙂 Si la cession des droits n’est mentionnée nulle part et qu’aucun contrat n’a été signé, alors le client ne dispose pas des droits pour exploiter son logo. C’est quand même une erreur de la part du graphiste qui n’aura pas spécifié clairement à son client ce qui était inclus ou non dans la prestation !
Deux solutions dans ce cas :
– le graphiste prends sa responsabilité dans l’histoire, puisque c’est lui le professionnel, et il rédige un contrat de cession des droits sur une durée courte sans demander de contre partie.
– le graphiste refuse de faire une cession gratuitement et demande un paiement que le client est libre d’accepter ou de refuser. En cas de refus, le client n’aura pas le droit d’utiliser le logotype commandé.
Dans ce second cas, le client peut tout à fait décider de se tourner vers un médiateur ou vers un tribunal, car le graphiste aura manqué à son devoir d’information qui l’oblige à expliquer clairement au client ce qu’implique son devis (par exemple avec une simple mention « cession des droits non incluse »).
J’espère que ça t’auras éclairé ? A très bientôt j’espère !
Bonjour, merci pour cet article qui éclaire assez bien l’utilité de ce contrat !
Quand recommandez-vous de faire signer ce contrat ?
Je suis graphiste et je viens de me lancer à mon compte, je dois faire signer ce type de contrat pour la première fois.
Je l’ai mentionné dans mon devis, mais faut-il mieux attendre la fin de la prestation pour le faire signer, ou bien avant même la création, le contrat peut dors et déjà être signé par mon client ?
En vous remerciant,
Léa
Bonjour Léa ! Pour ma part, je donne l’aperçu du contrat de cession avec le devis afin que la personne puisse en prendre connaissance avant de faire appel à moi. Une fois le devis validé avec l’aperçu du contrat, le rétroplanning et les conditions générales, je passe à la création. Mon client doit signer le contrat au moment du rendu final, et avant de commencer à l’utiliser. A bientôt !
Bonjour
la cession de droit se fait sur le nom en propre ou sur la société ?
Merci de la clarté de votre article
Bonjour, ravie que mon article ai pu t’éclairer 🙂 C’est préférable de le faire au nom de la société, mais dans le cas d’une auto-entreprise les deux sont possibles et valables.
Bonjour,
Comme le droit moral ne peut être cédé, est-ce que cela signifie que si j’achète un logo, il faudra que quelque part sur mon site internet j’écrive « Logo fait par X » ?
%erci d’avance!
Bonjour, et merci pour ton commentaire ! Alors non justement : on peut acheter une prestation de création d’un logo, on peut acheter les droits pour un temps donné, mais on ne peut pas acheter un logo. Certains le font malgré tout, mais sur le plan juridique c’est caduque car la personne en tout temps peut revenir vers vous pour faire valoir ses droits d’auteur. L’idéal est donc d’acheter les droits pour le temps d’utilisation du logotype. Marquer « Logo fait par X » n’est absolument pas une solution professionnelle pour deux raisons :
1) La personne peut à tout moment décider que tu n’as plus le droit d’utiliser le logo, t’obligeant brutalement à changer ton image de marque
2) Quand on est une entreprise ou une association, marquer partout « Logo fait par X », cela ne renvoie pas une image sérieuse et de confiance pour sa clientèle.
Si l’on a acheté une prestation de création de logo, mais que l’on ne nous a pas fournit de contrat de cession des droits, il faut le réclamer sans tarder.
J’espère avoir répondu à ta question 🙂 A bientôt !